Compte rendu d’un dialogue (13 mai 2019)
Soizic Stokvis peint comme elle photographie. Tout est précis, net, découpé comme une épure d’ingénieur ou un dessin d’architecte. Ces modèles, qu’elle partage avec de grands ancêtres qui, comme Picabia, ne dédaignaient pas le dessin industriel, lui ont offert la vision claire d’un espace semi-perspectif dont peu à peu elle détache des éléments qui lui servent de matrice. Aujourd’hui, à mesure que nous avons vu s’opérer ce processus d’abstraction, on peut être frappé par la réduction à laquelle elle s’est contrainte volontairement, pour permettre l’expansion spatiale que depuis toujours elle recherche. Des formes faussement simples flottent sur les murs, légèrement détachées de ceux-ci quand elle les tire sur des supports transparents pour laisser vibrer la couleur pure avec celle, atténuée, rendue floue par la projection de la lumière traversant la feuille. Ce n’est plus une ombre, mais le très léger effet d’une transformation imposée à la forme.
Rien n’est simple ici, tout est complexe et se complique des milliers d’opérations mentales auxquelles l’artiste se livre tous les jours, heure par heure peut-être pour affirmer, modifier, retrancher, retirer. Toute simplification formelle est suivie de son corollaire, l’organisation de l’ensemble – négation du simple.
Ce dialogue a commencé autour de 2006 – impossible d’en retrouver précisément la date. L’évidence est que, dans l’intervalle, l’artiste a monté pas à pas son système, tel un grand meccano dont nous n’avons pas le mode d’emploi. Qui verra dans les formes élémentaires qu’elle a peu à peu prélevées, sélectionnées, des signes interprétables ? Ces signes, pourtant, sont bien des signes – tels des éléments d’un langage à l’expressivité relative. D’un côté, ils nous parlent, ils s’assemblent, ils composent un semblant de discours dont le code est inconnu ; mais d’un autre, ils se taisent – tels des idéogrammes à l’œil occidental. Nous sommes partout environnés de signes, pictogrammes, logotypes, caractères simplifiés à l’extrême pour nous aider à nous orienter dans la tour de Babel cosmopolite aux carrefours innombrables que nous continuons de construire dans le réel comme dans son double virtuel. On annonçait il y a peu une « réalité augmentée ». Personne n’en parle plus désormais, peut-être parce que nous avons déjà basculé dans l’univers synthétique où les lignes de fuite se répètent sur des écrans de contrôle, plus ou moins abstraites, dès que nous avons fermé la portière et mis le contact – sans clef bien sûr. Si nous nous y trouvons bien, restons-y, et regardons donc ce que l’on peut faire dans un tel univers et si nous ne pouvons pas, par exemple, faire bouger les images à la vitesse de la lumière. Notre arrêt sera notre peinture. Voici Soizic Stokvis !
François Michaud
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Soizic Stokvis peint comme elle photographie. Tout est précis, net, découpé comme une épure d’ingénieur ou un dessin d’architecte. Ces modèles, qu’elle partage avec de grands ancêtres qui, comme Picabia, ne dédaignaient pas le dessin industriel, lui ont offert la vision claire d’un espace semi-perspectif dont peu à peu elle détache des éléments qui lui servent de matrice. Aujourd’hui, à mesure que nous avons vu s’opérer ce processus d’abstraction, on peut être frappé par la réduction à laquelle elle s’est contrainte volontairement, pour permettre l’expansion spatiale que depuis toujours elle recherche. Des formes faussement simples flottent sur les murs, légèrement détachées de ceux-ci quand elle les tire sur des supports transparents pour laisser vibrer la couleur pure avec celle, atténuée, rendue floue par la projection de la lumière traversant la feuille. Ce n’est plus une ombre, mais le très léger effet d’une transformation imposée à la forme.
Rien n’est simple ici, tout est complexe et se complique des milliers d’opérations mentales auxquelles l’artiste se livre tous les jours, heure par heure peut-être pour affirmer, modifier, retrancher, retirer. Toute simplification formelle est suivie de son corollaire, l’organisation de l’ensemble – négation du simple.
Ce dialogue a commencé autour de 2006 – impossible d’en retrouver précisément la date. L’évidence est que, dans l’intervalle, l’artiste a monté pas à pas son système, tel un grand meccano dont nous n’avons pas le mode d’emploi. Qui verra dans les formes élémentaires qu’elle a peu à peu prélevées, sélectionnées, des signes interprétables ? Ces signes, pourtant, sont bien des signes – tels des éléments d’un langage à l’expressivité relative. D’un côté, ils nous parlent, ils s’assemblent, ils composent un semblant de discours dont le code est inconnu ; mais d’un autre, ils se taisent – tels des idéogrammes à l’œil occidental. Nous sommes partout environnés de signes, pictogrammes, logotypes, caractères simplifiés à l’extrême pour nous aider à nous orienter dans la tour de Babel cosmopolite aux carrefours innombrables que nous continuons de construire dans le réel comme dans son double virtuel. On annonçait il y a peu une « réalité augmentée ». Personne n’en parle plus désormais, peut-être parce que nous avons déjà basculé dans l’univers synthétique où les lignes de fuite se répètent sur des écrans de contrôle, plus ou moins abstraites, dès que nous avons fermé la portière et mis le contact – sans clef bien sûr. Si nous nous y trouvons bien, restons-y, et regardons donc ce que l’on peut faire dans un tel univers et si nous ne pouvons pas, par exemple, faire bouger les images à la vitesse de la lumière. Notre arrêt sera notre peinture. Voici Soizic Stokvis !
François Michaud
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